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© Mort exposé et entouré en pays lobi burkinabè – Dessin de Diniaté Pooda (2012). Source Autre

Du Sida à Ebola : rites de mort à fonction apotropaïque*


Michèle CROS

Michèle Cros est professeure d’anthropologie à l’université Lyon 2.

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Pour citer cet article :

Cros M. Du Sida à Ebola : rites de mort à fonction apotropaïque. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2015, vol. 16, n°3, pp. 263-274


Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/du-sida-a-ebola%e2%80%88-rites-de-mort-a-fonction-apotropaique/

Du sida à Ebola : rites de mort à fonction apotropaïque

En situation d’épidémie voire de pandémie, les rites de mort persistent à être fondamentaux tant pour le défunt que pour sa famille. Il en est ainsi au temps du sida, il en va pareillement à l’arrivée d’Ebola en Afrique de l’Ouest même si la dépouille est contagieuse. Ne pas pouvoir effectuer ces rites funéraires conduit les populations à résister aux mesures de lutte sanitaire mises en œuvre par les organisations humanitaires dont MSF. La maltraitance du mort entraine un risque de malveillance. Les morts ne sont jamais totalement morts. En novembre 2014, l’OMS préconise la mise en place d’un nouveau protocole garantissant une inhumation sans risque et dans la dignité. Il s’agit de tenter de mettre fin à l’errance ontologique du défunt de manière sécurisée tout en contrariant le moins possible les processus d’ancestralisation qui garantissent « la paix des vivants » et donc ici leur concours à la lutte sanitaire à conduire contre Ebola.

Mots clés : Afrique, aide humanitaire, ancêtre, communication, contagion, croyance, Ebola, épidémie, OMS, rite funéraire, rumeur, sécurité sanitaire, sida.

From AIDS to Ebola: death Rites with apotropaic function

In the case of epidemics or pandemics, death rituals remain fundamentally important, as much for the deceased as for his family. As it is with AIDS, the same continues to be true with the arrival of Ebola in West Africa, even though human remains are contagious. Being unable to carry out their funeral rites leads traditional groups to resist sanitary measures imposed by humanitarian organizations, such as Doctors Without Borders, for mistreating the dead brings a risk of malevolence. The dead are never completely dead. In November 2014, WHO (the World Health Organization) advocated a new protocol guaranteeing a burial that is both risk-free and dignified. It involves trying to safely put an end to the spiritual wandering of the deceased, while minimally upsetting the ancestralization processes that guarantee “peace for the living,” and thus gain their participation in the disease control efforts against Ebola.

Keywords: Africa, AIDS, ancestor, belief, communication, contagion, Ebola, epidemic, funeral rite, health safety, humanitarian aid, rumor, WHO.

Del SIDA al Ebola. Ritos de muerte con función apotropaica

En situación de epidemia o de pandemia los ritos de muerte siguen siendo fundamentales tanto para el difunto como para la familia. Esto ha sido así en los tiempos del SIDA y, de alguna manera igualmente, con la llegada del Ebola a Africa occidental, aún a sabiendas que los despojos mortales son contagiosos. El hecho de no poder efectuar estos ritos funerarios lleva a la población a resistirse a las medidas de control sanitario implementadas por las organizaciones humanitarias como MSF. El maltrato hacia el difunto conlleva un riesgo de hostilidad. Los muertos no son nunca completamente muertos. En noviembre de 2014, la OMS imagina la implementación de un nuevo protocolo que garantizaría un entierro sin riesgos y con dignidad. Se trata de terminar con un cierto divagar ontológico del difunto de manera segura, contrariando lo menos posible los procesos de ancestralización que garantizan « la paz de los vivos » y por consiguiente su compromiso con la lucha sanitaria contre el Ebola.

Palabras claves: Africa, ancestro, ayuda humanitaria, comunicación, contagio, creencia, Ebola, epidemia, OMS, rito funerario, rumor, seguridad sanitaria, sida.

Il y a deux routes qui mènent à la vie.
L’une est la route ordinaire, directe et honnête.
L’autre est dangereuse, elle prend le chemin de la mort.
Thomas Mann, La Montagne magique (1931)

 

« Les rites funéraires habituels indispensables au travail de deuil sont toujours écrasés par l’urgence » souligne A. Epelboin, médecin et ethnologue dans le film qu’il a réalisé au Congo en 2007 avec F. Brunquell et P. Formenty : Ebola, ce n’est pas une maladie pour rire. Dans ses deux rapports de mission anthropologique sur l’épidémie d’Ebola au Congo en septembre 2012, et en Guinée Conakry en 2014, A. Epelboin insiste à nouveau sur la mise en place de « funérailles sécurisées » destinées à prendre congé de celui qui est parti et ce, de façon décente tout en limitant au maximum les risques de contagion tant pour la famille du défunt que pour les agents de santé. En effet, le virus, présent dans les liquides et les sécrétions qui s’écoulent du corps, demeure particulièrement virulent durant les 12 heures qui suivent le décès. Reste que le défunt, même victime d’Ebola, est toujours plus qu’un corps sans vie avec des humeurs contagieuses. En Afrique subsaharienne, il importe de souligner la persistance des représentations liées aux divers constituants de la personne. Devenir du « double errant » (« esprit » ou « âme ») et destin du spectre ne sauraient être oubliés puisqu’ils sont censés conditionner le quotidien et les rêves de ceux qui restent ici-bas. En d’autres termes, celui qui est mort ne l’est jamais totalement. J. Bonhomme dans Déjouer la mort en Afrique (2008) commente ce vers célèbre du poète sénégalais Birago Diop selon lequel : « Les morts ne sont pas morts ».

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